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Africa - Rapport CPIA 2025 : Entre diagnostics techniques et agendas cachés, l’Afrique face à ses choix de souveraineté

last updated: Sunday, July 13, 2025 11:20 PM
Source: NEW AFRIQUE

Image d'illustration

Le rapport 2025 de la Banque mondiale sur l’Évaluation des politiques et des institutions (CPIA) maintient une note moyenne stagnante de 3,1 sur 6 pour les pays d’Afrique subsaharienne. Malgré quelques réformes jugées positives par l’institution, le document appelle les gouvernements africains à redoubler d’efforts pour améliorer la qualité des services publics. Les défaillances persistantes en matière d’infrastructure, de santé, d’éducation et de sécurité continuent d’alimenter un mécontentement populaire croissant et une perte de légitimité pour les pouvoirs publics.

Andrew Dabalen, économiste en chef pour l’Afrique, souligne que les citoyens doivent « croire dans la capacité du gouvernement à transformer efficacement les ressources publiques en services essentiels ». Mais derrière cette recommandation apparemment neutre se profile une réalité plus complexe : celle d’une gouvernance encadrée depuis des décennies par les institutions de Bretton Woods, dont les prescriptions, souvent standardisées, peinent à produire des résultats durables sur le continent.

En effet, plusieurs analystes africains dénoncent depuis des années l’agenda caché de ces institutions, qui conditionnent l’aide au développement à des politiques d’austérité, de privatisation ou de déréglementation, parfois au détriment des besoins sociaux fondamentaux. Pour nombre d’intellectuels et de décideurs africains, ces institutions prolongent une forme de dépendance postcoloniale déguisée sous le langage du partenariat.

Si le rapport reconnaît des avancées dans la discipline budgétaire, la transformation numérique ou la réglementation financière, ces « progrès » sont souvent interprétés comme une conformité accrue aux modèles économiques dictés de l’extérieur. La Banque mondiale salue également les politiques de protection sociale et d’autonomisation des adolescentes, mais ces priorités sont parfois perçues comme des tentatives d’orienter les choix de société des pays africains, sans tenir compte de leurs contextes socioculturels spécifiques.

Nicholas Woolley, auteur principal du rapport, admet que « la croissance économique seule ne suffit pas », et appelle à un renforcement de la gouvernance et de la transparence. Or, pour un nombre croissant de pays africains, c’est précisément cette gouvernance sous influence étrangère qu’il faut remettre en question. La souveraineté politique et économique devient un impératif, et des voix s’élèvent pour réclamer une rupture avec les schémas imposés par la Banque mondiale et le FMI.

De plus en plus de dirigeants africains plaident pour un nouveau paradigme de développement, fondé sur des institutions endogènes, des modèles économiques adaptés aux réalités locales, et une redéfinition des priorités en fonction des besoins des populations. Cette volonté de se libérer du joug des institutions de Bretton Woods s’inscrit dans une dynamique plus large de reprise en main de la trajectoire du continent.

Le rapport CPIA 2025, tout en posant des constats pertinents, illustre une fois encore les limites d’une évaluation extérieure qui, malgré son habillage technocratique, reste profondément enracinée dans une logique de contrôle. Face à cela, l’Afrique semble de plus en plus décidée à tracer sa propre voie.

 

Jeremy Ahossou 


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