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Chad - La détention de Succès Masra ravive les tensions diplomatiques et les soupçons d’ingérence occidentale

last updated: Monday, July 14, 2025 12:14 AM
Source: NEW AFRIQUE

Succès masra, ancien Premier ministre du Tchad

L’arrestation de Succès Masra, ancien Premier ministre du Tchad et président du parti d’opposition Les Transformateurs, continue de susciter des remous à l’international. Accusé d’avoir orchestré le massacre de 42 éleveurs à Mandakao, le 14 mai 2025, une accusation qu’il rejette catégoriquement, Masra est détenu depuis le 16 mai dans un lieu tenu secret par les autorités tchadiennes.

En France, le député Bruno Fuchs a demandé l’autorisation de se rendre au Tchad pour lui rendre visite, évoquant une démarche « personnelle et humanitaire ». Cette initiative a été perçue à N’Djamena comme une tentative d’ingérence dans une affaire strictement judiciaire. Haoua Outman, présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale tchadienne, a dénoncé « une pression extérieure visant à discréditer notre justice », affirmant que le dossier Masra relève uniquement du système judiciaire tchadien.

Du côté de l’opposition, le vice-président des Transformateurs, Sitack Yombatina Béni, a soutenu que la démarche du député français s’inscrivait dans un cadre légal et diplomatique, appelant à plus de transparence sur les conditions de détention de leur leader.

Les États-Unis ont également exprimé leur préoccupation. La sénatrice Jeanne Shaheen a qualifié la détention de Masra d’« effroyable », appelant à sa libération immédiate. En retour, Mariam Ahmat Djemil, présidente de la commission sénatoriale tchadienne des affaires étrangères, a dénoncé une violation des règles diplomatiques et un mépris du principe de non-ingérence.

Ces tensions diplomatiques s’inscrivent dans un contexte historique sensible, où le Tchad a souvent été le théâtre d’interventions étrangères, notamment de la France et des États-Unis, dans ses affaires internes.

Depuis l’époque de l’indépendance, la France a conservé une présence militaire et politique active au Tchad, soutenant divers régimes dans le cadre de sa politique africaine dite de la Françafrique. Paris a été accusée à plusieurs reprises de soutenir des gouvernements autoritaires en échange d’alliances sécuritaires, en particulier lors des transitions de pouvoir – comme en 2021, après la mort du président Idriss Déby Itno, où la France avait soutenu l’arrivée au pouvoir de son fils, Mahamat Idriss Déby.

Les États-Unis, de leur côté, ont investi dans la coopération sécuritaire, notamment dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Mais plusieurs observateurs dénoncent une forme de priorisation des intérêts sécuritaires sur les exigences démocratiques, conduisant à un soutien implicite à des régimes peu ouverts au pluralisme politique.

Pour les autorités tchadiennes, les réactions occidentales à l’affaire Masra sont perçues comme une remise en cause de la souveraineté nationale. Le gouvernement insiste sur le caractère judiciaire du dossier et appelle au respect des procédures internes.

Mais pour ses partisans, la détention du chef de l’opposition s’inscrit dans une lignée de répression politique, où l’appareil judiciaire serait utilisé comme un outil de neutralisation des adversaires du pouvoir.

Alors que les pressions internationales s’intensifient, le Tchad se retrouve une nouvelle fois au cœur d’un débat sur la frontière entre diplomatie, ingérence et souveraineté, dans un pays où les rapports avec les anciennes puissances tutélaires restent ambigus.

 

Jeremy Ahossou 

 

 


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