Après sa remise au président de la transition, le ministère de l’Education nationale a publié son rapport sur les Etats Généraux de l’Education (EGE) au Mali. Il ressort de ce rapport de synthèse 280 recommandations divisées en deux catégories principales : stratégiques et opérationnelles.
En effet, les travaux des Etats Généraux de l’Education (EGE) ont regroupé, au total, 3 028 participants dont 2 387 pour les Régions et le District de Bamako et 641 pour le niveau national, y compris 10 de la Diaspora, pour diagnostiquer un système éducatif en proie à plusieurs difficultés. A l’issue des travaux, 280 recommandations divisées en deux catégories principales ont été formulées.
Les recommandations stratégiques visent à définir les orientations pour une refondation du système éducatif.
Quant aux recommandations opérationnelles, elles concernent les actions immédiates pour améliorer l’efficacité du système éducatif (actions urgentes et prioritaires).
Le rapport final s’articulé autour de 9 chapitres et des annexes : « l’état des lieux du système éducatif malien ; l’état des lieux de la politique de la décentralisation et de la déconcentration de l’éducation au Mali ; le déroulement des Etats Généraux de l’Education (EGE) ; les résultats du processus des Etats Généraux de l’Education ; les orientations stratégiques de la refondation du système éducatif du Mali ; les piliers de la refondation du système éducatif du Mali ;les actions stratégiques de la refondation du système ; le suivi-évaluation des recommandations et activités; le plan d’actions budgétisé des trois premières années (2024- 2026) »
En effet, le rapport de synthèse des résultats du premier passage de l’Enquête modulaire et permanente auprès des ménages (EMOP, janvier-mars 2023) estime, au Mali, en moyenne, environ 6 personnes sur 10 (57,1%) sont sans niveau d’instruction au nombre desquelles 41,7% sont dans les villes et 64,3% en milieu rural.
Selon le niveau de non-fréquentation scolaire au moment de l’enquête à travers la proportion des individus jamais scolarisés par groupe d’âges, suivant le genre et le milieu de résidence, il ressort que, au Mali, environ 6 personnes sur 10 n’ont jamais été scolarisées.
Un peu plus de 5 hommes sur 10 (52,7%) ne sont jamais allés à l’école. Pour les femmes, la proportion est de l’ordre de 6 femmes, ou plus, sur 10 (61,3%).
Aussi, il ressort du même rapport que la proportion des individus jamais scolarisés est plus importante en milieu rural avec près de 7 cas sur 10 personnes (64,3%).
« Près de 6 personnes sur 10 sont sans niveau d’instruction (57,7%), une petite portion de la population a atteint le niveau universitaire (1,5%) et seulement 5,4% a atteint le niveau d’éducation secondaire, la partie restante, qui représente près d’un tiers de la population, n’a pas dépassé le niveau primaire », indique le rapport.
Selon cette enquête, le taux brut de scolarisation au premier cycle de l’Enseignement fondamental 1 est estimé à 79,9% dont 79,4% pour les filles et 80,3% pour les garçons.
Dans l’ensemble, le taux net de scolarisation au fondamental 1 est passé de 58,5% en 2022 à 63,1% en 2023 et celui du second cycle s’élève à 58,3%.
Selon toujours la même enquête, il ressort des résultats que, au Mali, plus d’un adulte sur 3 (37,2%) sait lire et écrire dans une langue quelconque et plus d’une personne sur 4 (28,6%) de 15 ans et plus savent lire et écrire en Français. Plus de la moitié des individus de 15 ans et plus (54,2%) savent lire et écrire le Français en milieu urbain, contre seulement 19,7% en zones rurales
La déperdition est aussi un problème auquel le système éducatif reste confronté.
Au premier cycle du fondamental, l’abandon volontaire, avec 53,2% de cas, en constitue la principale explication, suivi de l’échec scolaire avec 14,9%, le manque de moyens financiers (6,5%) et la préférence pour un apprentissage ou un travail (6,2%).
Concernant les examens nationaux
Le taux d’admission au DEF, qui était de 69,78% en 2018 et de 52% en 2019, a enregistré une hausse assez régulière sur la période 2019-2021, avant de connaître une baisse continue entre 2021 et 2023.
Celui au baccalauréat général varie d’une Série à l’autre et reste, dans l’ensemble, faible pour toutes les Séries et cela depuis 6 ans, avec un léger mieux pour la Série TAL.
Les taux de réussite au baccalauréat technique, sur les 6 dernières années, demeurent faibles et n’atteignent 45% qu’en 2021, dans la Série STI. Ils sont d’ailleurs catastrophiques, avec 9,82 en STI, en 2022.
Par contre, les taux d’admission aux examens de la Santé sont excellents, surtout pour les Séries Labo et Pharmacie avec 96,64% en 2023 et 75,35% en 2023 au niveau des techniciens de santé maternelle et infantile.
Les résultats au BT1 sont globalement faibles, sur les 6 dernières années, le taux d’admission n’atteint guère 30%.
Les résultats au BT2 sont satisfaisants, se situant au-delà de 60% comme minimum pour toutes les séries sur les 6 dernières années et culminant à 84,86% en 2018.
Les taux d’admission au CAP restent très faibles, atteignant rarement 34,73%.
Les résultats au bac Pro sont très satisfaisants, atteignant 100% en 2019 et se situant autour de 70% les autres années.
Comparaison des résultats du BAC du Mali avec ceux des pays de l’UEMOA et de la Guinée
Les résultats du Bac au Mali sont à rapprocher de ceux du Niger et du Burkina Faso, deux pays qui vivent les mêmes situations d’insécurité que le Mali. Ils sont inférieurs à ceux du Sénégal, du Togo, de la Côte d’Ivoire et du Bénin.
Déficit de 3 911 enseignants supplémentaires
L’analyse des effectifs d’enseignants-chercheurs, au titre de l’année universitaire 2021-2022, révèle un effectif de 2003 enseignants-chercheurs dont 22,27% de femmes.
« Une analyse de la disponibilité́ des enseignants-chercheurs, selon leur position statutaire, révèle que plus de 15% des enseignants-chercheurs sont indisponibles pour dispenser les cours pour raisons de détachement, de congés de formation ou de disponibilité́. Cette indisponibilité́ est plus grande chez les Assistants/Attachés de Recherche (29,83%) qui sont globalement inscrits en Thèse. Il ressort un grand déficit d’enseignants-chercheurs (permanents) avec un ratio de 74 étudiants pour un enseignant, ce qui est 3 fois supérieur à la norme de l’UNESCO qui recommande 25 étudiants pour un enseignant ».
De façon globale, pour être en phase avec la norme de l’UNESCO (25 étudiants pour 1 enseignant), il faut recruter 3 911 enseignants supplémentaires.
Recommandations stratégiques
Concernant la vision globale sur l’éducation, les Etats Généraux recommandent, entre autres de : « Former des Maliennes et des Maliens, patriotes et bâtisseurs d’une société démocratique, acteurs du développement, ancrés dans leur culture, maîtrisant les savoirs endogènes, participant aux progrès scientifiques, technologiques, à la création de nouvelles connaissances et à l’innovation contribuant activement au vivre-ensemble ; Développer les capacités de toutes les Maliennes et de tous les Maliens à maîtriser les valeurs culturelles du pays et les acquis des progrès scientifiques et technologiques leur permettant de participer activement aux activités de développement économique, social, environnemental et culturel du pays, à la création de connaissances ainsi qu’à l’innovation et participant à la formation du citoyen patriote et responsable ; Construire la personne humaine dans ses dimensions morale, civique, sociale, intellectuelle, etc. ; Assurer une couverture territoriale du pays en infrastructures d’éducation formelle et/ou non formelle ; Orienter, prioritairement, les apprentissages à tous les niveaux vers les besoins de développement artisanal, industriel, technologique, agro-sylvo-pastoral et minier ».
Au niveau de l’Enseignement fondamental, il a été recommandé notamment « d’améliorer les contenus des apprentissages pour permettre aux apprenants de maîtriser l’écriture, la lecture et le calcul ».
Pour l’enseignement secondaire professionnel, il a été recommandé « de doter chaque circonscription de Cercle d’au moins un établissement d’enseignement professionnel et formation professionnelle en tenant compte de la démographie et des besoins de l’économie locale ».
Aussi, les EGE recommandent « d’instituer une session de rattrapage pour les candidats qui échouent au CAP, BT et Bac ».
Concernant la recherche scientifique, il a et recommandé de : « Développer l’innovation technologique au Mali ; Faire contribuer suffisamment la Recherche scientifique au développement socio-économique du pays et l’adapter aux besoins de développement durable du pays ; Etablir une recherche de haute qualité, ouverte sur la coopération intra africaine et transcontinentale, au service du Mal ».
Concernant la fonction enseignant, il s’agit, entre autres de : « Doter le Mali d’enseignants qui exercent correctement leur métier et respectent le règlement de la profession ;Récompenser et décorer les enseignants méritants ».
Par ailleurs, les EGE recommandent « de prendre des dispositions urgentes pour l’ouverture de toutes les écoles fermées ».
Dans la gouvernance de l’école, il a été recommandé, « la suppression de l’AEEM au niveau de l’Enseignement secondaire et recadrer ses actions au niveau de l’Enseignement supérieur ».
Pour rappel, en plus des participants aux différents ateliers de l’EGE, des séances d’écoutes de personnes ressources ont été organisées et des contributions écrites, au nombre de 67, émanant du CNT, de personnes ressources, d’anciens ministres, de partis politiques, de services centraux de divers ministères, des PTF, de syndicats d’enseignants, de diverses associations, d’organisations religieuses et coutumières et de la société civile, ont été reçues, selon le rapport.
Amadou Traoré