Le gouvernement tchadien a annoncé la résiliation de l’accord de coopération en matière de défense signé avec la France, et révisé pour la dernière fois en 2019. Cet accord avait pour objectif de renforcer les capacités de sécurité et de défense du Tchad, un pays clé dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Dans un communiqué, les autorités tchadiennes ont expliqué que cette décision découle d’une "analyse approfondie", marquant leur volonté de réaffirmer pleinement la souveraineté nationale, plus de 66 ans après l’indépendance.
Un repositionnement stratégique
Selon le communiqué officiel, le gouvernement souhaite désormais redéfinir ses partenariats stratégiques en fonction des priorités nationales. Il précise que la résiliation de l’accord de défense se fera dans le respect des "modalités prévues", y compris un délai de préavis, permettant une transition harmonieuse. Une collaboration étroite avec les autorités françaises est prévue pour assurer une mise en œuvre ordonnée de cette décision.
Cette annonce intervient dans un contexte où le Tchad, comme plusieurs autres nations africaines, s'efforce de réduire son dépendance vis-à-vis des anciennes puissances coloniales. Elle survient également quelques heures après la visite au Tchad du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, ce qui confère à cette décision une dimension symbolique.
Les relations historiques préservées
Le gouvernement tchadien a tenu à souligner que cette décision n’affecte pas les relations historiques entre les deux pays, particulièrement fortes depuis les premières années de l’indépendance du Tchad. Le communiqué met en avant l’attachement du Tchad à maintenir des "relations constructives avec la France dans d’autres domaines d’intérêt commun", en mettant l’accent sur les bénéfices mutuels pour les deux peuples.
Malgré la résiliation, les autorités tchadiennes ont exprimé leur reconnaissance pour la coopération passée, notamment dans le cadre des efforts conjoints pour combattre les menaces sécuritaires au Sahel. Elles se disent ouvertes à "un dialogue constructif" pour envisager de nouvelles formes de partenariat adaptées aux besoins et aux aspirations actuels.
Une décision dans un contexte régional
Cette décision s’inscrit dans un mouvement régional croissant de remise en question des accords militaires entre les anciennes colonies africaines et la France. Des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont déjà demandé ou acté le retrait des forces françaises, dans un contexte de montée du sentiment antifrancophone et de revendications pour une indépendance stratégique accrue.
Si les accords de défense ont souvent été présentés comme des garanties de sécurité, notamment contre les menaces terroristes, ils sont de plus en plus perçus par certaines populations comme des instruments de maintien de l’influence néocoloniale. Les critiques soulignent également que ces partenariats ont parfois servi à protéger des régimes en place plutôt qu’à résoudre les causes profondes des instabilités.
Quelle suite pour la coopération Tchad-France ?
La résiliation de l’accord de défense ouvre une nouvelle ère dans les relations entre N’Djamena et Paris. Pour le Tchad, il s’agit de repositionner ses alliances en fonction de ses besoins internes et de renforcer sa capacité à décider de manière indépendante sur les questions sécuritaires.
Pour la France, cette décision représente un défi dans sa stratégie au Sahel, où le Tchad occupe une place géopolitique clé. Il reste à voir comment les deux pays redéfiniront leurs relations dans les mois à venir, notamment dans des domaines tels que l’économie, l’éducation ou le développement.
Cette décision reflète une dynamique plus large en Afrique, où les pays revendiquent de plus en plus leur souveraineté, non seulement politique mais aussi militaire et économique. Elle marque également un tournant dans les relations bilatérales, mettant l’accent sur une collaboration future plus équilibrée et adaptée aux défis contemporains.
Jeremy Ahossou