Face à ses partisans, le Premier ministre Dr Chouel Kokalla Maiga a tenu, le samedi 16 novembre 2024, au CICB, lors du meeting organisé par le M5-RFP, un discours de rupture avec les militaires au pouvoir. Il dénonce des dysfonctionnements actuels au sein du gouvernement, et un manque de cohérence et de communication. Il va jusqu’à parler de menaces pesant sur les acquis de la transition, et appeler à « une vigilance accrue face aux retours des anciennes pratiques ».
Le samedi 16 novembre 2024, Dr Choguel Kokalla Maïga, Premier ministre du Mali et président du Comité stratégique du M5-RFP, a prononcé un discours au Centre international de conférences de Bamako sur trois axes principaux : la commémoration de la libération de Kidal, la clarification de la situation politique et des propositions pour réorienter la transition.
Dans son intervention, le Premier ministre est revenu sur les acquis de la transition, notamment l’amélioration de la Sécurité ; la lutte contre la corruption et l’impunité ; les réformes politiques et institutionnelles ; l’application intelligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ; la conclusion d’un Pacte de stabilité sociale et de croissance.
Malgré tous ces acquis de la Transition rectifiée, le Premier ministre a dénoncé certains dysfonctionnements.
« La durée de la Transition a été ainsi librement fixée à 24 mois à compter du 26 mars 2022 à la suite d’un décret signé par le Président de la Transition et le Premier ministre : Décret N°2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022. Donc, la Transition est sensée prendre fin, le 26 mars 2024. Mais elle a été reportée sine die, unilatéralement, sans débat au sein du Gouvernement. La suite est connue de tous. Aujourd’hui encore, il n’existe aucun débat sur la question, le Premier ministre est réduit à se contenter des rumeurs de la presse ou à une interprétation hasardeuse des faits et gestes du Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation », déplore Choguel Kokalla Maiga.
Selon lui, « le Gouvernement n’a aucune information sur le programme ni le plan d’actions de l’AIGE (Autorité Indépendante de Gestion des Elections) ; or la création et la mise en place de cet organe fait partie des exigences majeures du peuple malien pour la réalisation du Mali nouveau, le Mali Kura ».
Pour le Premier ministre, « la mise en place de cet organe a contourné toutes les procédures normatives dans le fonctionnement d’une équipe dirigeante. Il est même étonnant que ce soit les tenants de l’ancien régime et nouveaux soutiens de la Transition qui manifestent leur satisfaction à son adoption ».
Il enfonce le clou : « Il s’agit là d’un ensemble de faisceaux qui poussent les citoyens à penser et imaginer toutes sortes de scénarios, à se lancer dans toutes sortes de conjectures sur la fin de la Transition. Aujourd’hui, il est temps que le peuple malien sache à quoi s’en tenir. Tout se passe dans l’opacité totale, à l’insu du Premier ministre, j’ai le courage et l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître tout en le déplorant vivement. Ce n’est nullement à ma personne qu’un préjudice se trouve porté. Après tout, je ne suis que l’humble serviteur d’une cause que je considère comme sacrée : la promotion d’un Mali nouveau, du Mali Kura, débarrassé des anciennes pratiques », renchérit-il.
« Mais la question se pose : l’efficacité de l’action gouvernementale ne se trouve-t-elle pas compromise par le dysfonctionnement qui se note entre les institutions ? Et, question subsidiaire : à qui profite le dysfonctionnement ? Assurément, pas au Peuple malien dont les préoccupations sont largement connues. En effet, pendant que se livre ce qui s’apparente à une guéguerre sous fonds de sourde rivalité, l’espoir s’amenuise, avec la recrudescence de l’insécurité et le manque de perspective. Nous étions bien partis, forts de l’appui de la Nation toute entière. Nous étions modèles. Aujourd’hui, ne sommes-nous pas en passe d’être dépassés », se demande le PM ?
Aussi déplore le Premier ministre, « depuis la remise en cause du Pacte d’honneur scellé le 24 mai 2021, les choses vont de mal en pis. Nous sommes tous d’accord que la totalité des changements imprimés à la Transition, les principaux acquis de la Transition résultent de la mise en œuvre des résolutions des ANR. Or, celles-ci avaient expressément recommandé, par exemple la réduction du nombre des partis politiques ».
Et Choguel de marteler, « En dépit de cette recommandation, entre 1991 et 2021, donc en 30 ans, il y a eu la création de deux cent (200) partis politiques au Mali et entre 2021 et 2023, en deux, et après les ANR, il y a eu la création avec délivrance de récépissés de cent (100) partis politiques ».
Pour lui, cette pratique du ministre de l’Administration territoriale est une volonté délibérée d’en ajouter à la confusion.
« Plus il y en aura de partis politiques, plus il sera loisible de les manipuler », a-t-il interprété.
Amadou Traoré