Dans un contexte sécuritaire où le courage militaire s’exerce dans l’ombre des combats, le Togo s’apprête à franchir un seuil symbolique majeur. Pour la première fois, l’institution militaire envisage de traduire en droit la reconnaissance des blessures de guerre. Un tournant attendu, qui conjugue devoir de mémoire et impératif de justice.

L’armée togolaise amorce une mutation d’envergure en s’orientant vers l’officialisation du statut de blessé de guerre. Une initiative inédite dans l’histoire du pays, qui vise à inscrire dans le droit national la reconnaissance formelle des militaires ayant subi des atteintes physiques ou psychologiques en mission. Il s’agit là d’un pas décisif vers une valorisation institutionnelle des risques assumés par les forces armées.

Au début du mois de mai 2025, l’État-major général des Forces armées togolaises (FAT) a annoncé la préparation active d’un projet de décret destiné à encadrer ce statut. Celui-ci concernerait prioritairement les soldats blessés au cours des opérations menées dans le cadre de la sécurisation des frontières nord, théâtre d’affrontements persistants avec des groupes terroristes, notamment dans la région du Kpendjal. Ce texte viendrait combler un vide juridique et moral, en offrant une reconnaissance légale aux victimes militaires.

Cette mesure, longtemps espérée tant par les militaires en poste que par les anciens combattants, s’inscrit dans un environnement marqué par la recrudescence des violences armées. Depuis le déclenchement de l’opération Koundjoaré, les FAT sont sollicitées sur plusieurs théâtres d’opérations, exposant leurs effectifs à des blessures graves, voire à la mort. Le projet de décret répond ainsi à une exigence de reconnaissance officielle, mais aussi de réparation morale et matérielle.

Si cette réforme venait à être adoptée, elle redéfinirait profondément la doctrine sociale des forces armées togolaises. Elle introduirait une prise en charge spécifique des blessés, tant sur le plan médical que psychologique, tout en facilitant leur réinsertion socioprofessionnelle. Elle offrirait également une valorisation solennelle de leur engagement, contribuant à affirmer la reconnaissance de la Nation envers ses défenseurs.

Un projet inscrit dans une dynamique d’accompagnement global

Cette initiative s’inscrit dans le prolongement de plusieurs réformes sociales entreprises récemment par les autorités militaires sous la conduite du général Allaharé Dimini, chef d’état-major général, sur instruction du Président du conseil, Faure Gnassingbé. Des dispositifs tels que l’octroi de bourses scolaires pour les orphelins de guerre, une couverture maladie universelle pour les familles, ou encore un système d’enregistrement biométrique des ayants droit, illustrent une volonté croissante d’améliorer le quotidien des soldats et de leurs proches.

Le projet de décret sur le statut de blessé de guerre revêt également une dimension stratégique. Il se présente comme un vecteur de cohésion et de motivation pour les militaires déployés dans des zones à haut risque. En donnant un cadre formel à la reconnaissance des sacrifices consentis, les autorités affirment un principe fondamental : aucun soldat, blessé ou tombé au champ d’honneur, ne sera oublié par la République.

Jeremy Ahossou